Bonne lecture.
L’équipe médicale du CIEM.
Epidémies et transport aérien
La responsabilité du transport aérien dans le développement des épidémies est régulièrement évoquée à chaque apparition ou réapparition d'infections transmissibles dans un point quelconque du globe. A l'heure où la grippe A (H1N1) pointe le bout de son nez dans l'hémisphère nord, il est légitime de se reposer la question à deux niveaux : l'avion est il un facteur de diffusion des épidémies d'une part et lors d'un voyage en avion y a-t-il des risques de contamination à partir d'un voisin malade d'autre part ?
A la première question il est facile de répondre par l'affirmative : oui, l'avion est un facteur clé de la propagation des épidémies au plan mondial. Des études à partir de modèles mathématiques très élaborés ont montré que les aéroports et les lignes aériennes, où passe un gros flux de passagers, sont des chemins préférentiels pour la maladie : « les épidémies, de la même façon que les passagers aériens, empruntent les mêmes parcours privilégiés » (Marc Barthélémy*). Ainsi le SRAS** est arrivé en France et au Canada par des vols en provenance de Hong Kong, alors qu'en Espagne, l'infection a transité par Paris et Londres. En Espagne en effet, il n'existe pas de hub majeur et de ce fait, en cas d'épidémie, les Espagnols doivent plutôt craindre les flux venant d'autres pays européens. La tentation serait alors, en cas d'épidémie avérée dans une région du monde, de réduire le trafic aérien : malheureusement cette attitude est vouée à l'échec et il a été montré que la réduction de 90 % du trafic limiterait à peine le nombre de cas d'infections. En 2001, après l'interruption quasi-totale du transport aérien après l'attentat du 11 septembre, la grippe est arrivée avec seulement 15 jours de retard... Le transport aérien est donc un vecteur reconnu, un accélérateur de la transmission mais essentiellement du fait des connections plus rapides et plus fréquentes entre pays parce qu'il s'agit d'avions.
En ce qui concerne le risque de contamination durant un vol, il est également minime tout au moins en ce qui concerne la contamination aéroportée : l'air contenu dans les cabines des vols commerciaux n'est pas propice au développement bactérien ou viral.
En effet, il est renouvelé environ 15 à 20 fois par heure (à rapprocher des 12 fois dans une tour de bureaux et beaucoup moins chez soi) ; c'est un air sec (hygrométrie inférieure à 10 % voire à 5 % dans les vols longs courriers), ce qui ne favorise pas la conservation des agents qui sont pour bon nombre d'entre eux extrêmement sensibles à la déssication. Les quelques cas bien documentés de contamination par la tuberculose, la grippe ou d'autres affections virales ont permis de montrer qu'il s'agit véritablement d'une contamination de proximité : le malade est susceptible d'infecter les passagers assis dans le même espace que lui (trois rangs en avant et arrière et trois sièges à droite et à gauche). Le risque de contamination par voie respiratoire à un avion entier à partir d'un passager relève du fantasme et ceci n'a jamais été observé.
La contamination transmise par le contact des mains est quand à elle beaucoup plus problématique car totalement silencieuse, notoirement sous estimée et non anxiogène (qui en parle dans les média ?). Des auteurs américains l'ont bien montré en 2006 : ils ont effectué des prélèvements sur les accoudoirs de fauteuils, tablettes plateaux, éviers, boutons de porte, sièges de toilettes. Leur conclusion est sans appel : dès que l'on approche des toilettes à commencer par les poignées de porte, les microbes fourmillent (staphylocoques mais aussi streptocoques et tous les germes classiques des infections entériques et respiratoires). Malheureusement peu de passagers en ont conscience et pourtant ce serait certainement une méthode préventive efficace. Lavons nous les mains avant et après... mais ce conseil est également valable partout : chez nous, à l'hôtel, sur les aires d'autoroute...
* Chercheur au Commissariat à l'Energie Atomique.
** Le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) première maladie grave et transmissible à émerger en ce XXI° siècle : plus de 8 000 cas et près de 800 morts.
Interniste au CIEM