Bonne lecture.
L’équipe médicale du CIEM.
Arthrose et sport
Presque toutes les articulations de notre organisme sont constituées sur le même modèle : deux pièces osseuses se faisant face recouvertes d'un cartilage. C'est grâce à lui que les os vont glisser l'un sur l'autre et assurer la mobilité de l'articulation. L'articulation est stabilisée par une capsule recouverte sur sa face interne d'une membrane synoviale sécrétant le liquide éponyme qui nourrit le cartilage.
Le rôle du vieillissement dans la survenue de l'arthrose n'est pas primordial, comme on le croit souvent. Il joue, bien sûr, un rôle en rendant le cartilage moins apte à résister aux agressions, mais à lui seul il ne peut pas déclencher une arthrose. L'arthrose est un vrai processus pathologique, fait de destruction et de réparation : c'est une maladie à part entière et non le simple tribut à payer au vieillissement.
C'est en réponse à un excès de pression sur le cartilage que le processus arthrosique va se déclencher. Deux cas de figures existent :
- Cet excès de pression s'exerce sur un cartilage normal (arthroses dites mécaniques). A la longue, ce cartilage ne peut plus assumer cette hyperpression absolue, finit par dégénérer et l'arthrose s'installe.
- La pression est normale mais elle s'exerce sur un cartilage fragile (arthroses dites structurales). Pour ce cartilage moins résistant que la normale, la pression pourtant normale est encore trop importante (hyperpression relative) et il va réagir en dégénérant vers l'arthrose.
Il faut noter que ces deux mécanismes peuvent s'associer chez une même personne.
Les causes de cette hyperpression sont variables. Il peut s'agir de causes mécaniques : surmenage articulaire sportif, professionnel, traumatismes, obésité ou toute maladie fragilisant une des structures de l'articulation.
Les autres facteurs de risque du développement de la maladie arthrosique sont le sexe (certaines localisations sont plus fréquentes chez la femme), l'hérédité et les anomalies architecturales articulaires telle la dysplasie de hanche.
Il est également important de comprendre que l'existence d'une arthrose ne veut pas obligatoirement dire « douleur ». C'est ce que les médecins appellent la dissociation « radio-clinique » qui traduit le fait que des lésions d'arthrose visibles à la radiographie ne sont pas forcément responsables de douleurs. C'est particulièrement vrai pour la colonne vertébrale.
Ainsi, sur 100 sujets de plus de 65 ans, 60 sont porteurs d'une arthrose anatomique (révélée par une étude autopsique), sur ceux là seulement 30 auront des signes visibles à la radiographie. Parmi ces 30, 15 souffriront de leur arthrose. Et dans ce dernier groupe, seulement 5 consulteront...
Le problème de la responsabilité du sport en général est une question importante, à laquelle il est délicat de répondre. Comme beaucoup de choses tout n'est pas blanc ou noir...
Commençons par le plus simple. Les bienfaits du sport : la pratique sportive est bénéfique pour maintenir une bonne condition physique. Non seulement les systèmes cardio-vasculaires et respiratoires sont améliorés, mais sur le plan articulaire le tonus musculaire est renforcé, le jeu articulaire accru, le flux du liquide articulaire augmenté, le seuil de la douleur grandi et la masse grasse diminuée.
Mais, il existe un revers à la médaille. On connaît bien, en effet, les méfaits d'une hypersollicitation (activité trop intense, trop fréquente, trop longue) des articulations et bien sûr, les traumatismes tels les chocs ou les chutes, avec leurs conséquences sur les articulations (entorses, fractures, luxations). Autant de risques pour l'articulation touchée de voir se développer une arthrose.
On voit donc déjà se dessiner des situations différentes selon le type de sport pratiqué :
Les sports individuels tels que le vélo, la natation ou le footing sont beaucoup moins à risque sur le plan articulaire, que ne le sont les sports collectifs tels que le football ou le rugby.
Le niveau de pratique intervient également. Les risques d'un sportif amateur sont nettement moindres que ceux d'un professionnel ou d'un compétiteur.
Alors, en fin de compte : la pratique d'un sport peut elle donner de l'arthrose ? Si on ne peut répondre par oui ou par non, on peut toutefois schématiser deux situations extrêmes :
- Si la personne ne présente aucun facteur de risque, si aucun membre de sa famille n'a d'arthrose, si la pratique sportive se limite à une activité de loisir et qu'aucun accident ne survienne : alors le risque d'arthrose est tout à fait minime.
- En revanche, à l'opposé, si l'articulation est déjà anormale, si des membres de la famille sont arthrosiques, si le sport est pratiqué en compétition et surtout débuté avant la puberté, enfin si des accidents arrivent : le risque d'arthrose est majeur.
Mais en pratique, c'est bien sûr tous les intermédiaires qui peuvent se voir ! Alors quelques principes simples sont à respecter :
- Certains sports, surtout s'il sont pratiqués de manière intensive et prolongée (en particulier au moment de l'adolescence et chez l'adulte jeune, périodes pendant lesquelles la croissance articulaire n'est pas terminée) peuvent favoriser le risque de survenue d'une arthrose des années plus tard. Les sports exposant à des impacts intenses ou répétés ou à des mouvements de torsion sont les plus nocifs : il s'agit du football, du rugby, du squash, du volley-ball, du basket-ball et des sports de combat.
- À l'inverse, en cas d'arthrose de hanche ou de genou, la pratique de certains sports peut être poursuivie. En choisissant ceux ne nécessitant pas d'efforts brusques. C'est le cas de la natation, du jogging (bien chaussé, sur terrain souple), du cyclisme, du golf ou de la marche. D'ailleurs, les exercices physiques font partie des 10 recommandations de la Société Européenne de Rhumatologie (EULAR) pour le traitement de l'arthrose de la hanche et du genou pour, au moins, permettre l'entretien du capital musculaire, le maintien des amplitudes articulaires et éventuellement permettre une réduction pondérale.
- Tout sport aggravant les douleurs articulaires est déconseillé.
- Enfin, si vous amenez vos enfants ou petits enfants pour un certificat d'aptitude sportive, (comme c'est maintenant fréquemment demandé), sachez que c'est un acte important pour préserver leurs articulations. Le médecin doit prendre le temps de vérifier les antécédents, d'examiner l'enfant, de s'enquérir du sport souhaité et des conditions dans lesquelles il va être exercé...
Médecin Interniste au CIEM